Note rédigée par Jean-Louis Estrade le vendredi 6 novembre 2009, sur actuKiné.com.
Quelle que soit la thérapie, lorsque les symptômes s’améliorent, les thérapeutes ainsi que les patients ont tendance à attribuer cette amélioration au traitement. Il est même souvent convenu que vérifier l’efficacité d’un traitement réputé efficace soit une perte de temps et de ressources.
Par conséquent, les cliniciens accumulent quotidiennement des impressions informelles de fiabilité diagnostique et d’efficacité thérapeutique ayant une portée limitée.
Steve Hartman, enseignant au département d’anatomie du Collège de médecine ostéopathique de l’Université de Nouvelle-Angleterre (Biddeford, Maine, États-Unis), examine les raisons qui peuvent conduire à ce raisonnement parfois biaisé. Dans le passé, il a été l’un des enseignants en ostéopathie qui réclamaient avec vigueur l’abandon de l’enseignement de la thérapie crânio-sacrée dans les écoles d’ostéopathie. Il semble n’avoir pas encore été publiquement discrédité par ses pairs. Cependant, il enfonce le clou et se rapproche du bûcher.
Il articule ses propos en deux parties :
1.1 Histoire naturelle de la maladie
« L’homme est le drugstore de Dieu », disaient les ostéopathes. Il dispose en lui-même de forces lui permettant de lutter contre des atteintes biologiques avérées. C’est la vis naturae medicatrix des Latins.
1.2 La régression de la moyenne des souffrances
Les différentes mesures de la souffrance se répartissent autour d’une valeur moyenne de souffrance. Habituellement, le patient consulte le thérapeute dans une phase aiguë, au-delà de ses souffrances habituelles. Le mesurer après cette phase conduit fréquemment à des valeurs améliorées. Pour certains, ce fait est l’explication de l’effet placebo.
1.3 L’effet placebo
Un thérapeute en blouse blanche, au toucher agréable, à l’écoute de ses patients, souriant, avec des diplômes accrochés aux murs, sont des facteurs qui peuvent influencer le jugement du patient et son état de santé : une visite chez un « bon » praticien peut l’inciter à faire plus d’exercice, à perdre du poids, à réduire le stress, à prendre moins de médicaments, par rapport à un praticien « ordinaire ».
1.4 Post Hoc, Ergo Propter Hoc (à la suite de cela, donc à cause de cela)
Si un événement B suit un événement A, il est souvent admis que B est la conséquence de A. Dans un contexte médical, parce que de réelles améliorations suivent souvent même des traitements inefficaces, ces derniers peuvent être qualifiés d’efficaces pour cette simple raison.
La faculté de percevoir, interpréter et se souvenir des expériences d’un moment à l’autre est limitée.
2.1 Le biais de confirmation
Parfois, on utilise davantage l’apparence des faits que leur réalité. Un individu entend ce qu’il veut entendre et ignore le reste. Il se réfère aux faits connus car l’inconnu génère un paradoxe inconfortable.
2.2 Le désir et l’espoir
Étant donné que la maladie est une expérience désagréable, le désir de guérir peut conduire à interpréter favorablement des signes pathologiques. L’échec thérapeutique est également une source de temps et d’argent dépensés, d’autant plus lorsque le traitement a un caractère inhabituel (comme dans le cas des thérapies alternatives).
2.3 Donner, recevoir
Supposons qu’un patient estime son praticien efficace, compétent, à l’écoute et attentif. Le « don » de sa personne demande une réponse de la part du patient, qui aura tendance à accorder plus favorablement cette « prime » à la « guérison ».
2.4 Et maintenant, ça va mieux ?
Solliciter la réponse du patient à cette question n’est pas anodin. Le praticien peut parfois avoir une véritable action thérapeutique, dont l’efficacité est renforcée par les facteurs mentionnés précédemment. La croyance en sa propre efficacité pousse le praticien à influencer la réponse du patient. Les réponses positives renforcent cette croyance (les réponses négatives ne sont pas considérées de manière équitable). La satisfaction du praticien quant à ses capacités curatives renforce l’idée du patient selon laquelle ce traitement est apparemment efficace. Ces prophéties auto-entretenues sont donc construites de manière interactive par les deux parties.
Référence bibliographique :
Steve E. Hartman. Why do ineffective treatments seem helpful? A brief review. Chiropractic & Osteopathy 2009, 17:10 (12 October 2009)
Article disponible gratuitement en ligne.